Historique du site du collège

Lundi 12 Octobre 2009

REMODELAGE DU SITE A L'EPOQUE GALLO ROMAINE

    Après un siège méthodiquement conduit qui dura près d'un mois, Avaricum, en 52 avant Jésus-Christ, tomba au pouvoir de Jules César. Mais, une fois la conquête de la Gaule achevée, à peine l'énergique dictateur s'employait-il à mettre un terme définitif aux guerres civiles qui se ranimaient périodiquement à Rome qu'il mourut le jour des ides de mars 44 (15 mars), victime d'une conjuration des sénateurs. Sa succession réglée et la paix rétablie dans la capitale et dans l'empire, la tâche d'organiser l'administration de la nouvelle conquête revint à Auguste. La Gaule fut donc divisée en quatre provinces. Avaricum fut placée à la tête de l'une d'elles, l'Aquitaine. Lorsque cette dernière fut encore divisée, Avaricum ne perdit pas son rang pour autant. Chef-lieu de l'Aquitaine Première, la ville était située stratégiquement à un carrefour de voies de communication importantes. Celles-ci la mettaient en relation avec Cenabum (Orléans), Limonum (Poitiers), Caesarodunum (Tours), Augustoritum (Limoges), Augustonemetum (Clermont-Ferrand) d'une part, avec Augustodunum (Autun), Lugdunum (Lyon) et, au-delà, avec l'Italie d'autre part. Notons qu'aujourd'hui, l'archevêque de Bourges continue de porter le titre de primat d'Aquitaine.

    Au cours des Ier et IIème siècles de notre ère, la ville était en plein essor. L'époque d'Auguste (27 avant Jésus-Christ ; 14 après Jésus-Christ) est représentée par la construction, sur le site du collège, vers l'an 1 ou, peut-être, quelques années auparavant, d'un bâtiment urbain privé. Son architecture - une structure de bois garnie de torchis élevée sur une base de maçonnerie et un sol de terre battue - n'était pas différente de celle des maisons édifiées pendant l'époque protohistorique . Aussi les traces qui subsistèrent de ce bâtiment demeurèrent-elles trop ténues pour qu'on en sache davantage. Ce mode de construction mis en oeuvre par les bâtisseurs de l'Antiquité traverse d'ailleurs les siècles, sans être beaucoup modifié : à Bourges comme en bien d'autres villes de France, nombre de maisons, au XVIème siècle encore, furent élevées suivant les mêmes principes.

    Deux générations plus tard, sous le règne de l'empereur Claude, cette habitation fut rasée à son tour, entre 40 et 50 de notre ère. Il semble qu'alors un nouveau plan d'urbanisme ait visé à remanier profondément la physionomie du quartier : maintes maisons cédèrent la place à des constructions plus résistantes, soigneusement maçonnées, destinées visiblement à durer et à afficher un certain prestige. Divers travaux, aux XIXème et XXème siècles, permirent de découvrir fortuitement, dans les alentours immédiats du site du collège, des fragments de murs bien appareillés . Ceux-ci montrent que l'espace actuellement délimité par la place Planchat et par les rues Gambon, des Trois-Pommes et de la Nation, se couvrit à cette époque d'une certaine densité d'édifices.

    Sur le site du collège fut donc lancée la construction, au milieu du Ier siècle, d'un édifice dont la destination est mal connue. La fouille en révéla une partie, sous la forme d'un impressionnant massif de maçonnerie, haut de quatre mètres et épais de quatre mètres et demi. Son parement , réalisé en moellons bien calibrés de petite taille, témoignait du soin apporté à sa réalisation. Ses dimensions, dépassant de loin les proportions ordinaires des habitats privés, laissent supposer qu'il s'agissait d'un édifice monumental, d'apparence grandiose, à vocation publique. Aussi est-on tenté de le mettre en relation avec l' amphithéâtre , installé près d'un demi-siècle plus tard à quelque cent cinquante mètres de là. Une partie du parement , qui présente une grande ressemblance avec celui de l'enceinte construite plus tard pour enfermer la ville du Bas-Empire, a été reconstituée au fond de la cour du collège.

    Tout autour, les demeures édifiées durant la seconde moitié du premier siècle de notre ère étaient à l'évidence confortables. Elles possédaient au moins une salle chauffée par un hypocauste , ainsi qu'une cave maçonnée. Aux sols en terre battue avaient succédé d'autres sols plus hygiéniques, faits d'un mortier de tuileau .

    Le quartier du collège Littré avait donc totalement changé d'aspect, au moment de la construction de l'édifice monumental, car le sol avait été rehaussé volontairement d'environ deux mètres par rapport à son niveau d'origine. Ce remodelage de la physionomie de la ville se poursuivit au IIème siècle ; il s'accompagna de la construction d'un grand portique à arcades, de part et d'autre de l'actuelle rue d'Auron, parallèlement à la rue des Arènes et à la rue Fernault, ainsi que d'une fontaine publique, admirable vestige aux proportions sans doute imposantes à l'origine.

     Notons encore qu'en 1848, entre les rues Littré et Gambon, furent découverts par hasard une grande salle au sol couvert de mosaïques et des fragments d'architecture monumentale, comme des chapiteaux , des frises , des entablements .

     Il faut se représenter Avaricum, à l'époque gallo-romaine, comme une ville moyenne occupant toute l'étendue du promontoire jusqu'aux principales rivières, l'Yèvre et l'Auron, et débordant déjà à l'ouest où un faubourg s'était implanté sur la rive gauche de l'Auron. Sa surface était comprise dans une fourchette de quatre-vingts à cent hectares.

 

L'AMPHITHEATRE

    L'amphithéâtre d'Avaricum s'étendait tout près du collège Littré, sous l'actuelle place de la Nation. Son souvenir est perpétué par le nom donné à la rue des Arènes qui, longeant à quelque distance l'enceinte gallo-romaine, sépare le quartier où s'élèvent le collège Littré et l' église Saint-Pierre le Guillard du flanc ouest du promontoire.
Il fut construit sous le règne de l'empereur Trajan (98-117) ou de l'empereur Hadrien (117-138). Cependant, lorsque la ville, à partir du milieu du IVème siècle de notre ère, se dota d'une enceinte destinée à protéger efficacement mais au moindre coût la population et les installations nécessaires à la vie quotidienne, il ne fut pas englobé dans le périmètre de la muraille. En effet, le site du collège Littré, pourtant riche d'édifices monumentaux, avait été progressivement abandonné.

    L'amphithéâtre fut encore utilisé pour la représentation, en 1536, d'une imposante pièce de théâtre intitulée Les Mystères des Actes des Apôtres. Celle-ci connut un succès considérable qui obligea les édiles de la ville à élever, au-dessus des gradins de pierre existants, des gradins de bois sur une hauteur de deux étages. On utilisa alors pour cela un système de charpentes et d'échafaudages en bois. Cette pièce de théâtre fut représentée pendant un mois et demi. L'amphithéâtre pouvait alors accueillir vingt-cinq à trente mille spectateurs.

    Par la suite, il servit de fosse à ordures avant de devenir, après avoir été nivelé, l'une des places les plus fréquentées de la ville. Les maisons qui bordent cette place aujourd'hui ont été édifiées pour la plupart sur des vestiges de la construction primitive, vestiges visibles dans quelques caves des riverains.

    Le site a conservé la forme originelle semi-circulaire et le profil en déclivité d'un monument où aimait à se rassembler une population avide de spectacles mettant en scène les combats de gladiateurs ou les chasses, au cours desquelles s’affrontaient des hommes et des bêtes féroces.
LES JEUX DU CIRQUE A BOURGES
    Divers souvenirs de l’amphithéâtre furent découverts fortuitement au XIXème siècle. On a ainsi trouvé en 1858 une pierre taillée en courbe, haute d'un mètre quarante-deux, large d'un mètre environ, qui servait de dossier dans les gradins maçonnés. Elle portait une inscription en l'honneur de la fille d'un duumvir de Bourges :
CAVIÆ  QVIETÆ
ÆMILI(I)  AFRI  II(DVVM)  VIR(I)
...FILIÆ
...I  BLÆSI
...BIT(VRIGVM)  CVB(ORVM)
(L)OCVS
« Place de Cavia Quieta, fille d'émile Afer, duumvir, épouse de ... Blæsus ... des Bituriges Cubies »

    On conserve également une partie d'un diptyque en ivoire d’une vingtaine de centimètres de hauteur, qui fut réalisé pendant la première moitié du Vème siècle. Cet ivoire ciselé représente le consul en toge , entouré des attributs de son grade et accompagné de deux jeunes garçons, assistant à l’affrontement, dans une arène , d’un homme et de bêtes sauvages. Enfin la découverte, en 1882, d'une vaste nécropole lors du percement de l'actuel boulevard Foch a permis de mettre au jour la stèle funéraire d'un gladiateur :
L(VCIVS)  TARQVINVS
PRIMVS  MVR(MILLO) III (VICTORIA OBTINVIT)
HIC  S(ITVS)  E(ST)  ROMANVS
CONTVBER(NALIS)

    « Ici est placé Lucius Tarquinus Primus, mirmillon , qui remporta trois victoires. Romanus, son compagnon ... (a pris soin de déposer son corps) »
   
    La ville, qui n'était pas encore ceinturée du rempart du Bas-Empire (dont s'élèvent, çà et là, des vestiges bien reconnaissables), comportait alors des monuments publics importants : des thermes , des temples, un amphithéâtre , ainsi que, dans ses abords, de vastes nécropoles . Le rempart, de forme ovale, construit au milieu du IVème siècle, ne pouvait enfermer tout l'espace ainsi urbanisé.

    D'une épaisseur variant d'un peu plus de deux mètres à trois mètres, se développant sur près de deux kilomètres et demi de longueur, il protégeait un espace estimé à vingt-cinq hectares environ. Mais, au moment de sa construction, les principaux édifices publics avaient déjà perdu leur fonction. C'est pourquoi se retrouvent, dans les fondations massives de ce rempart (de près de six mètres d'épaisseur à la base), maints vestiges d'architecture monumentale, souvent remarquablement sculptés, qui furent remployés. La zone du collège Littré ne fut pas protégée par cette enceinte ; mais celle-ci imposa à la ville une forme elliptique que le coeur de Bourges, aujourd'hui encore, montre très distinctement.

   Des éléments de cette enceinte du Bas-Empire, souvent restaurés, se voient encore de place en place, dans le soubassement du palais Jacques-Coeur, vers le haut de la rampe Marceau ou encore le long du jardin de l'Archevêché, du parking souterrain de l'hôtel de ville, rue Jacques- Rimbault, et de la "promenade des remparts", rue Bourbonnoux. A l'époque où l'on édifiait cet ouvrage défensif, le nom d'Avaricum s'effaçait au profit de celui de civitas Biturigae (cité - ou district - Biturige), nom qui, altéré au cours des siècles, devint, après une dernière métamorphose, Bourges.
 

LA FONTAINE MONUMENTALE

    Désormais classée Monument Historique, la fontaine monumentale est un bel et imposant vestige de l'époque gallo-romaine.

    D'abord découverte par les bâtisseurs du Moyen Age qui travaillaient à la construction du palais du duc Jean de Berry, cette fontaine fut mise au jour en 1857. En même temps furent trouvés un portique à arcades, un fragment de rempart et un mur de terrasse gallo-romains.

    Malheureusement, on ne peut pas encore admirer ce chef-d'œuvre inclus, aujourd'hui, dans les sous-sols du bâtiment occupé par le Conseil Général du Cher. Mais un projet de restauration a été mis à l’étude, qui permettra l'ouverture au public en toute sécurité.

    Cette fontaine fut probablement construite aux environs du IIème siècle de notre ère ; le seul élément de datation retrouvé est un fragment de bord d'assiette. Il remonte à une période comprise entre le milieu du Ier et le milieu du IIème siècle. Il fut trouvé dans le radier de construction du dallage.

    La fontaine avait été aménagée sur une place dallée, dans le prolongement du portique à arcades sur lequel s'appuyaient les premières terrasses de la ville haute. Elle était constituée de bassins répartis sur trois niveaux, disposés en U, adossés à un escalier et alimentés par un aqueduc particulier.

    Cette construction, qui interrompait la continuité de l'enceinte de la ville, en ornait l'entrée principale. Marquant la frontière entre l'Urbs (la ville haute) et le reste de la cité des Bituriges, elle affirmait, grâce à une architecture monumentale, la puissance et le prestige de la capitale régionale remodelée sous le Haut-Empire.
Norbert GROS
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